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De façon courante, le détournement de mineur, qui n’a pas forcément de dimension sexuelle, peut se définir comme le fait pour une personne majeure de soustraire une personne mineure à l’autorité de ses parents.
Soustraction de mineur ou enlèvement d’enfant
Juridiquement, la soustraction ou le détournement de mineur correspond à ce que l’ancien Code pénal désignait sous l’expression d’ « enlèvement d’enfant ». Il distinguait selon que l’enlèvement avait eu lieu par fraude ou violence [1] ou en l’absence de toute fraude ou violence [2].
Aujourd’hui, la soustraction de mineur ne doit pas être confondue avec l’enlèvement, qui protège un intérêt différent. En effet, le nouveau Code pénal distingue désormais entre :
– Les crimes et délits d’enlèvement, infractions de droit commun ayant pour but de réprimer les atteintes à la liberté d’une personne [3] ;
– La soustraction ou le détournement de mineur, infraction spécifique ayant pour but de réprimer les atteintes aux mineurs et à la famille.
Le détournement de mineur est actuellement appréhendé par les articles 227-7 et 227-8 du Code pénal, dans la Section III « Des atteintes à l’exercice de l’autorité parentale » du Chapitre VII relatif aux atteintes aux mineurs et à la famille.
Le Code pénal distingue selon que la soustraction du mineur a été effectuée par un ascendant ou par un tiers.
Soustraction ou détournement de mineur commis par un ascendant
L’article 227-7 du Code pénal dispose :
« Le fait, par tout ascendant, de soustraire un enfant mineur des mains de ceux qui exercent l’autorité parentale ou auxquels il a été confié ou chez qui il a sa résidence habituelle, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
1.1) Condition préalable relative à l’auteur de la soustraction
L’infraction définie à l’article 227-7 du Code pénal qui, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 2005 portant réforme de la filiation et établissant l’égalité entre les filiations légitimes et naturelles visait « tout ascendant légitime, naturel ou adoptif », vise désormais « tout ascendant ».
Sont concernés les parents, grands-parents ou encore arrières grands-parents du mineur [4].
1.2) Elément matériel.
a. Conditions tenant aux victimes de la soustraction
Tout d’abord, la personne soustraite doit être un enfant mineur, c’est-à-dire âgé de moins de 18 ans.
Ensuite, aucun lien de filiation n’est nécessaire entre le mineur et la personne entre les mains duquel il est soustrait. La disparition d’un tel lien est donc sans incidence sur la constitution de l’infraction [5].
Il suffit que le mineur ait été soustrait « des mains de ceux qui exercent l’autorité parentale ou auxquels il a été confié ou chez qui il a sa résidence habituelle ».
– Le plus souvent, cela concerne l’un des parents. La soustraction peut par exemple avoir lieu entre les mains d’un père, dans l’hypothèse d’une mère qui quitte le domicile conjugal avec son enfant [6] ;
– La soustraction peut également avoir lieu entre les mains d’un tiers, y compris s’il n’exerce pas d’autorité parentale sur le mineur puisqu’il suffit que le mineur ait été confié à ce tiers [7].
Quoi qu’il en soit, si la principale victime de cette infraction est celui entre les mains duquel le mineur est soustrait, il ne faut pas omettre que le mineur est également victime d’un tel acte puisqu’il est porté atteinte à sa sécurité affective et matérielle.
b. Conditions tenant à l’acte de soustraction ou de détournement
– Acte positif de soustraction ou de détournement.
La soustraction de mineur suppose des actes positifs ayant pour conséquence une soustraction, un détournement, un déplacement du mineur :
– Elle est souvent retenue en cas de fuite à l’étranger avec le mineur lorsque l’un des parents est laissé sans nouvelle de l’enfant [8] ;
– De même, le fait de retenir le mineur sans communiquer un changement de domicile à l’autre parent – sans qu’il soit forcément besoin de quitter le territoire français – consomme l’infraction [9].
Dans le cadre de cette seconde hypothèse, il est difficile de distinguer entre la soustraction de mineur et la non-représentation d’enfant, visée à l’article 227-5 du Code pénal qui dispose :
« Le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
La non-représentation d’enfant permet de sanctionner le non-respect de l’exécution des mesures judiciaires ordonnées en matière de garde des mineurs. L’article 227-5 vise tant le refus du parent chez qui l’enfant a sa résidence habituelle de permettre l’exercice du droit de visite et d’hébergement accordé à l’autre parent suivant le jugement de divorce que le refus émanant du parent bénéficiaire dudit droit de visite de laisser l’enfant regagner le domicile de l’autre parent à l’issue d’une visite.
La jurisprudence criminelle peut donc retenir cumulativement ces deux infractions [10].
Le délit est également constitué si le mineur se déplace lui-même, de façon autonome, afin de rejoindre l’auteur de la soustraction, peu importe qu’il ait déjà abandonné son domicile ou sa résidence de son plein gré. Néanmoins, il faut que le déplacement du mineur soit le fait de l’auteur de la soustraction [11].
Par ailleurs, la soustraction et le détournement supposent l’écoulement d’un certain laps de temps en deçà duquel l’infraction n’est pas constituée. Il a par exemple été jugé, s’agissant de la soustraction de mineur commise par une tierce personne visée à l’article 227-8 du Code pénal, que quelques heures ne suffisent pas à consommer la soustraction délictueuse [12].
– Indifférence d’une fraude ou de violences
Contrairement à la soustraction ou au détournement de mineur commis par un tiers, l’article 227-7 n’exige pas que la soustraction intervienne sans fraude ni violences. Ainsi, la soustraction de mineur par un ascendant peut être violente ou non et frauduleuse ou non, ce qui suppose que le mineur peut avoir consenti à sa soustraction.
Si la soustraction par ascendant est le fait d’un enlèvement violent, les qualifications de soustraction de mineur et d’enlèvement [13] sont toutes deux envisageables puisque les deux infractions consistent en un déplacement illicite du mineur entre les mains de celui auquel il est confié [14].
Pour rappel, l’enlèvement visé aux articles 224-1 et suivants du Code pénal suppose en effet le déplacement de la victime commis sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi et avec la conscience et la volonté de priver la victime de sa liberté d’aller et venir pendant un temps plus ou moins long ou de l’isoler de l’extérieur.
Dans l’hypothèse d’une soustraction violente, les juges peuvent potentiellement procéder à un cumul de qualification dans la mesure où les intérêts protégés de ces infractions ne sont pas les mêmes – la soustraction de mineur protégeant les atteintes aux mineurs et à la famille, plus précisément à sa situation familiale, et l’enlèvement protégeant les atteintes à la liberté et à la sécurité d’une personne.
1.3) Elément moral
La soustraction ou le détournement de mineur est une infraction intentionnelle supposant la caractérisation de la conscience et de la volonté de soustraire un mineur des mains de ceux qui exercent l’autorité parentale, auxquels le mineur a été confié ou chez qui il a sa résidence habituelle.
Plus précisément, la jurisprudence estime que l’élément intentionnel consiste en la conscience, d’une part, de soustraire le mineur enlevé ou détourné des lieux où l’avaient placé ceux à l’autorité ou à la direction desquels il était soumis ou confié et, d’autre part, de l’en retirer d’une manière sinon définitive, en tout cas durable [15].
Par ailleurs, les mobiles sont indifférents. Ainsi, par exemple, peu importe qu’un père allègue le souhait de son enfant de demeurer avec lui plutôt qu’avec sa mère [16].
1.4) Répression
L’infraction est punie d’une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
Les peines encourues peuvent être aggravées dans certains cas et portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. En effet, selon l’article 227-9 :
« Les faits définis par les articles 227-5 et 227-7 sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende :
1. Si l’enfant mineur est retenu au-delà de cinq jours sans que ceux qui ont le droit de réclamer qu’il leur soit représenté sachent où il se trouve ;
2. Si l’enfant mineur est retenu indûment hors du territoire de la République ».
De même, l’article 227-10 précise :
« Si la personne coupable des faits définis par les articles 227-5 et 227-7 a été déchue de l’autorité parentale ou a fait l’objet d’une décision de retrait de l’exercice de cette autorité, ces faits sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».
Selon l’article 227-11, la tentative de cette infraction est punissable.
Enfin, l’article 227-29 du Code pénal prévoit que l’auteur de l’infraction encourt également des peines complémentaires :
– L’interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
– La suspension du permis de conduire pour une durée de 5 ans au plus ;
– L’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant 5 ans au plus ;
– L’interdiction de quitter le territoire ;
– La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit ;
– L’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de 10 ans au plus, d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.
Soustraction ou détournement de mineur commis par un tiers
L’article 227-8 du Code pénal dispose :
« Le fait, par une personne autre que celles mentionnées à l’article 227-7 de soustraire, sans fraude ni violence, un enfant mineur des mains de ceux qui exercent l’autorité parentale ou auxquels il a été confié ou chez qui il a sa résidence habituelle, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ».
2.1) Condition préalable relative à l’auteur de la soustraction
L’infraction définie à l’article 227-8 du Code pénal vise
« une personne autre que celles mentionnées à l’article 227-7 ».
Sont ainsi concernées toutes les personnes qui ne sont pas un ascendant du mineur soustrait, par exemple un ami ou encore un petit-ami.
2.2) Elément matériel
a. Conditions tenant aux victimes de la soustraction
Comme pour la soustraction de mineur commise par un ascendant, l’article 227-8 du Code pénal exige que la personne soustraite soit un mineur. Il n’est pas nécessaire que ce dernier ait un lien de filiation avec celui entre les mains duquel il est soustrait.
De même, il doit être soustrait « des mains de ceux qui exercent l’autorité parentale ou auxquels il a été confié ou chez qui il a sa résidence habituelle » ce qui signifie qu’il peut indifféremment être soustrait entre les mains de ses parents – hypothèse la plus fréquente – ou entre les mains d’un tiers.
b. Conditions tenant à l’acte de soustraction ou de détournement : un acte positif
Comme pour la soustraction de mineur commise par un ascendant, l’acte de soustraction de mineur commis par un tiers suppose des actes positifs ayant pour conséquence une soustraction, un détournement, un déplacement du mineur et doit durer un certain temps.
Par exemple, le fait pour le président d’une association de placer un enfant à l’étranger en vue de son adoption malgré la demande réitérée de restitution émanant de la mère a pu être qualifié de détournement de mineur [17].
De même, justifie sa décision l’arrêt qui, pour condamner du chef de détournement d’enfant les responsables d’une association agréée en qualité d’intermédiaire de placement, alors même qu’ils auraient la qualité de tuteurs, constate que les prévenus, au mépris des dispositions des articles 351 et 352 du Code civil, ont réussi à se faire remettre les mineurs qui avaient été régulièrement placés par eux dans une famille en vue de leur adoption [18].
Quoi qu’il en soit, quelques heures de soustraction ou de détournement sont insuffisantes ; en ce sens, il a été jugé que l’infraction n’est pas constituée dans le cadre d’une promenade amoureuse en voiture au cours de laquelle ont lieu des relations sexuelles entre le tiers et le mineur [19] ou lorsqu’un médecin a retenu sa patiente mineure deux heures à l’occasion d’un rendez-vous médical dans son cabinet [20].
Néanmoins, la solution n’est pas la même lorsque la soustraction, bien que de courte durée, est quasiment quotidienne et s’effectue sur une longue période au mépris de l’exercice de l’autorité parentale. Il a ainsi été jugé qu’un individu ayant entretenu des relations amoureuses et sexuelles avec une mineure qu’il voyait quotidiennement, parfois pendant des heures, notamment à l’occasion de fugues de son établissement scolaire ou de son domicile, se rendait coupable de l’infraction de soustraction de mineur commise par un tiers.
La cour d’appel avait caractérisé des détournements répétés sur la mineure ayant permis à l’auteur d’exercer sur elle une emprise destinée à la soustraire à une autorité parentale qu’il jugeait néfaste – la mineure étant en conflit avec ses parents adoptifs. Par ailleurs, la mineure étant âgée de plus de 15 ans, il n’était pas possible de retenir les infractions d’atteinte sexuelle sur mineur prévues par les articles 227-25 et 227-27 du Code pénal [21]. Dans cette hypothèse, la qualification de soustraction de mineur commise par un tiers a permis de pallier les lacunes de l’incrimination d’atteinte sexuelle sur mineur âgé de plus de 15 ans.
En effet, dans l’hypothèse de relations amoureuse et sexuelle entre un mineur âgé de plus de 15 ans et un majeur intervenant dans le cadre de sa soustraction ou de son détournement, seule la qualification de soustraction de mineur pourra être retenue puisque l’article 227-27 du Code pénal réprime les atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur âgé de plus de 15 ans lorsqu’elles sont commises par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ou par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.
En revanche, si cette hypothèse de relations amoureuse et sexuelle intervient entre un mineur âgé de moins de 15 ans et un majeur dans le cadre de sa soustraction ou de son détournement, la qualification d’atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans de l’article 227-25 du Code pénal pourra potentiellement, en sus de la soustraction de mineur, être retenue par les juges.
2.3) Elément moral
Cette infraction est également une infraction intentionnelle qui suppose la caractérisation de la conscience et de la volonté de soustraire un mineur des mains de ceux qui exercent l’autorité parentale, auxquels le mineur a été confié ou chez qui il a sa résidence habituelle.
Le prévenu, spécialement lorsqu’il entretenait une relation amoureuse et/ou sexuelle avec le mineur, peut échapper à une condamnation pénale s’il pouvait raisonnablement croire que l’intéressé était majeur au moment des faits [22].
2.4) Répression
L’infraction est punie d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
L’article 227-11 prévoit que la tentative est punissable.
En outre, les peines complémentaires susmentionnées énumérées à l’article 227-29 du Code pénal sont encourues.
3. Prescription
L’infraction de soustraction de mineur par un ascendant ou par un tiers est un délit qui se prescrit, depuis la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription, par 6 années révolues.
Le délit de soustraction de mineur présente le caractère d’un délit continu qui se poursuit aussi longtemps que son auteur persévère dans sa volonté de porter atteinte à l’exercice de l’autorité parentale [23].
Il est déduit de cette solution que le point de départ du délai de prescription de l’action publique commence à courir à compter du jour où la soustraction prend fin, c’est-à-dire au jour où l’enfant est restitué, sauf si sa majorité intervient avant.
Par ailleurs, la jurisprudence estime que les principes admis en matière de chose jugée ne s’opposent pas à ce que l’infraction, réprimée par une première condamnation, soit l’objet d’une nouvelle poursuite et d’une nouvelle condamnation dès lors qu’elle s’est renouvelée depuis la précédente condamnation et qu’elle présente le caractère d’une infraction continue [24].