Les recours contre les avis du médecin du travail

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Le contexte de l’émission d’un avis de la médecine du travail

Appliquée au droit du travail, l’inaptitude se définit comme l’incompatibilité du poste occupé par un salarié, avec l’état de santé de celui-ci. L’inaptitude, qu’elle soit d’ordre physique ou mentale, doit être constatée médicalement et obligatoirement par la médecine du travail (Cass. soc., 21 mai 2002 n°00-467.90).

L’inaptitude peut résulter d’un accident ou d’une maladie et peut être prononcée lorsqu’elle a des conséquences sur la capacité physique ou mentale du salarié à continuer de remplir sa fonction. C’est ce qui explique que seul le médecin du travail soit compétent, car il doit prendre en compte les spécificités et difficultés du poste du salarié pour émettre un avis éclairé sur sa capacité à continuer ou à reprendre son poste.

Ainsi, l’avis émis par le médecin du travail revêt une grande importance, en ce qu’il peut bouleverser complètement la vie professionnelle d’un salarié.

De tels avis peuvent être émis en de multiples cas :

- Lors d’une visite périodique (tous les 5 ans dans la plupart des cas)

- Lors d’une visite organisée par la médecine du travail hors périodicité

- Lors d’une visite à l’initiative du salarié qui identifie un risque d’inaptitude

- Lors d’une visite à l’initiative de l’employeur

- lors d’une visite médicale de reprise à l’issue d’un arrêt de travail (obligatoire après un congé maternité, une absence pour maladie professionnelle, ou une absence d’au minimum 30 jours pour accident ou maladie, quelque soit son origine).

De plus, les avis rendus dans de telles occasions peuvent s’avérer difficiles à déchiffrer dans la mesure où ceux-ci mêlent notions juridiques et médicales.

Il est dès lors primordial pour le salarié, mais aussi, et surtout peut-être pour l’employeur, d’être au fait des moyens de contestation qui sont à leur disposition en la matière.

En effet, pour le salarié l’enjeu est, en cas d’avis d’aptitude, de devoir demeurer à un poste potentiellement dangereux pour sa santé physique et/ou mentale ; tandis que pour l’employeur, un avis d’inaptitude l’oblige à mettre en œuvre une procédure de reclassement, voir de licenciement complexe et très formalisée.

Le recours contentieux en la matière ne doit être utilisé qu’en dernier recours. En effet, les relations amiables avec la médecine du travail sont à privilégier et il est bénéfique pour l’employeur, la plupart du temps, de multiplier les échanges. Ceci afin de mieux comprendre la position du médecin du travail sur l’aptitude du salarié, afin d’agir en conséquence et parfois même de lui en faire modifier les termes pour se prémunir contre d’éventuelles sanctions du non respect des procédures d’inaptitude. Ces dernières pouvant avoir des conséquences pécuniaires très lourdes pour l’entreprise.

La contestation de l’avis émis par le médecin du travail

A) Les évolutions législatives récentes

Depuis La loi dite « El Khomri » du 8 août 2016, la compétence exclusive en matière de contestation des avis émis par le médecin du travail est passée de l’inspection du travail aux Conseils de prud’hommes. C’est donc à la juridiction travailliste qu’incombe désormais la tâche d’apprécier l’opportunité des avis sur l’aptitude des salariés.

De plus, l’ordonnance du 22 septembre 2017 et le décret du 15 décembre 2017 (art. L.4624-7 du Code du travail) ont permis de préciser et d’élargir le champs de la contestation, tout en clarifiant les possibilités offertes aux parties en présence.

En effet, à l’origine, seuls les éléments médicaux contenus dans l’avis pouvaient être remis en cause, ce qui était problématique dans la mesure où celui-ci s’accompagne régulièrement et parfois de façon obligatoire d’autres actes tout aussi importants.

Désormais, l’article précité ouvre à la contestation l’ensemble des actes du médecin du travail, qui reposent sur des constatations médicales. C’est-à-dire les avis, propositions, conclusions écrites ou indications transmis par lui.

En résumé, il est désormais possible de contester :

- l’avis d’inaptitude

- les propositions d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail

- les mesures prises en vue d’un aménagement du temps de travail

- les conclusions écrites obligatoires qui vont de paire avec l’avis d’inaptitude

- les indications concernant l’éventuel reclassement du salarié

En cas de litige, c’est à l’employeur qu’il revient d’informer le médecin dont les décisions sont contestées, mais ce dernier n’est pas partie à l’instance.

En revanche, malgré ces évolutions, la mission du médecin-inspecteur du travail est restée la même. Seul changement, son avis qui devait obligatoirement être pris lorsque la compétence était dévolue à l’inspection du travail, n’est plus que facultatif pour le juge prud’homal. Le médecin-inspecteur territorialement compétent peut également faire appel à des tiers dont l’expertise est susceptible de l’éclairer. Si cette faculté est utilisée par le Conseil, le médecin du travail informé de la contestation de son avis, pourra être entendu par le médecin-inspecteur.

L’employeur peut mandater un médecin de son choix pour qu’il lui soit transmis une copie des éléments médicaux ayant fondé les décisions du médecin du travail, ce qui permet sans aucun doute une meilleure compréhension des enjeux par celui-ci. Dans ce cas de figure, le salarié est informé du recours à cette faculté qu’il ne peut lui même utiliser.

En ce qui concerne la charge des frais d’expertise, le requérant doit prendre garde à ce que son recours soit fondé sur une contestation sérieuse. C’est-à-dire que l’action ne doit pas être entamée dans le but de gagner du temps ou simplement pour faire échec à toute procédure d’inaptitude.

Ainsi, si le recours est jugé abusif ou dilatoire, les frais exposés par l’expert seront mis à la charge de la partie perdante, tandis que dans le cas d’un recours jugé légitime, le Conseil à la faculté de l’exempter, par une décision spécialement motivée, du paiement de tout ou partie desdits frais.

Enfin, le médecin du travail à l’origine de l’avis doit obligatoirement faire mention des délais et voies de recours contre son avis dans celui-ci. Classiquement, en terme de procédure, en l’absence de telles mentions, il est à prévoir que les délais de contestation ne pourront pas commencer à courir.

B) La procédure de contestation de l’avis

Tout d’abord, il s’agit d’une procédure avec des délais très brefs. Cela s’explique par la grande incidence de la décision du médecin du travail non seulement sur la santé du salarié mais également sur l’entreprise.

Ainsi, l’employeur ou le salarié selon les cas, disposera de 15 jours à compter de la réception par notification de l’avis du médecin pour saisir le Conseil de prud’hommes. La formation statuera « selon la procédure accélérée au fond », (anciennement « en la forme des référés »).

Avi Bitton, Avocat, et Henri Tracol, Juriste

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